07 novembre 2025
À la suite d’un projet pilote convaincant d’une durée de 18 mois lancé en étroite collaboration avec le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a décidé d’implanter sur l’ensemble de son territoire un protocole sur les étranglements en contexte de violence conjugale.
Rappelons que des études démontrent que lorsqu’une personne tente d’étrangler sa ou son partenaire intime, il y a une augmentation significative du risque que la victime soit tuée par cette même personne dans le futur. L’étranglement est donc un geste grave qui mérite une attention particulière. C’est dans cette optique qu’un projet pilote – une première au Québec – avait été lancé en mai 2024.
Inspiré des meilleures pratiques aux États-Unis, le projet pilote avait été déployé dans l’est de l’île de Montréal et consistait à offrir, entre autres, une formation spécifique au personnel policier des postes des quartiers et des unités aux enquêtes criminelles de l’est de la métropole, de même qu’aux procureures et procureurs du DPCP et à certains organismes partenaires.
« À la suite de cette expérience concluante, la décision a été prise de mettre en œuvre le projet à grande échelle et de manière permanente sur l’ensemble du territoire du SPVM. Le personnel policier de tous nos postes de quartier et de toutes nos divisions des enquêtes criminelles régionales bénéficiera d’une formation en matière d’étranglements en contexte de violence conjugale », confirme l’inspectrice Anouk St-Onge, qui est responsable de ce projet majeur au sein du service de police montréalais.
L’étranglement est une forme de domination, de contrôle et d’humiliation de la part de la personne qui agresse, qui démontre brutalement à la victime qu’elle tient sa vie entre ses mains. Le protocole sur les étranglements en contexte de violence conjugale constitue une solution multidisciplinaire qui cherche à bonifier les interventions des équipes policières et judiciaires lors de la réception de tels signalements. De l’information relative aux différents symptômes, qui peuvent survenir durant les heures et les jours suivant un étranglement, est notamment remise aux victimes afin de les sensibiliser aux conséquences et dangers sur la santé.
Le protocole prévoit notamment la rédaction d’un complément à la déclaration de la victime, l’implication de la Section de l’identification judiciaire du SPVM et l’intervention du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) de Montréal. En plus d’améliorer l’accompagnement des victimes au sein du processus judiciaire, le protocole vise aussi à optimiser la qualité de la preuve collectée afin de pouvoir porter des chefs d’accusation contre les suspectes et suspects auteurs de violence.
« En identifiant les facteurs de risque et en faisant les représentations adéquates devant le tribunal afin que ce crime soit considéré à sa juste valeur, à savoir un crime grave qui est statistiquement précurseur d’un homicide conjugal, le DPCP est fier de la mise en œuvre de cette initiative innovante et inspirante, laquelle contribue concrètement à protéger les personnes victimes », explique la procureure spécialisée en violence conjugale et responsable du protocole au sein du DPCP, Me Maya Ducasse-Hathi, en rappelant que l’article de voies de fait par étouffement, suffocation ou étranglement (art. 267 c) C.cr.) a été introduit au Code criminel en 2019.
« La formation et les éléments de preuve bonifiés constituent également des outils pour les procureurs qui tentent de déterminer qui est l’agresseur principal ou dominant et de distinguer ce qui peut constituer une agression, par opposition à un geste défensif ou de protection, lors de dénonciations croisées, et ce, afin d’éviter l’instrumentalisation du système de justice », ajoute-t-elle.
Quelques données sur le projet
Améliorations constatées
L’expérience du projet pilote durant une période d’un an et demi a notamment permis de constater des améliorations notables dans la détection et la documentation de l’étranglement en contexte de violence conjugale :
Le projet pilote a fourni au personnel policier un outil, le complément, qui est en adéquation avec la réalité de leur contexte de travail. Il est conçu pour opérationnaliser les apprentissages issus de la formation et s’intègre avec les pratiques déjà en cours. Cet outil ainsi que les ressources mises à la disposition des policières et policiers ont facilité et amélioré la collecte de la preuve dans les cas d’étranglements.
« La formation bonifiée pour les policiers, l’ajout d’outils d’enquête, dont les photographies avec la lumière judiciaire, ainsi que l’amélioration des formulaires de déclaration de la victime, nous aident énormément dans notre travail. Dès le début de l’enquête, les patrouilleurs sont mieux outillés pour observer et noter les signes d’étranglement récents sur la victime. Au moment de la préparation au procès, je suis plus à même de comprendre la manière dont le crime s’est déroulé, ce qui m’aide dans la construction de mes interrogatoires. Au moment du procès, les policiers spécialisés rendent des témoignages encore plus fiables sur ce qu'ils ont constaté lors de leur intervention auprès de la victime », souligne Me Laurent Gagné-Roy, procureur spécialisé en violence conjugale au bureau de Montréal.
Un projet suscitant de l’intérêt
Au cours des derniers mois, des services de police québécois et des procureurs d’ailleurs au Canada ont sollicité le SPVM et le DPCP afin d’en savoir davantage à propos du protocole sur les étranglements en contexte de violence conjugale. De plus, le phénomène des étranglements en contexte de violence conjugale fait désormais partie de l’offre de formation offerte par le Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.
« Le SPVM et le DPCP sont heureux de constater l’intérêt suscité par ce projet. Certains de nos partenaires policiers souhaitent d’ailleurs s’en inspirer. Étant donné que la violence conjugale est une triste réalité qui sévit partout, cela rend le partage de bonnes pratiques pour améliorer l’aide aux victimes encore plus important », a souligné en conclusion l’inspectrice St-Onge.